Méditation
Enfin, je me suis décidée à rédiger ce texte, dont j’ai voulu qu’il représente un témoignage de foi. Non que je souhaite insister sur ma propre fidélité, sur ma confiance en Dieu, et pourtant… Comment faire autrement que de parler de moi ?
Si je tiens à ce que l’image du Christ s’inscrive dans ces lignes, il me semble difficile d’évoquer la personne de Jésus (qu’on se rassure : je déteste les bondieuseries) sans susciter de très condescendants sourires.
Pour transcrire les réalités spirituelles, les mots s’avèrent souvent piégés ou galvaudés, et bien d’autres obstacles ont ralenti la tâche : je me sentais coupable d’écrire et pour écarter cet obstacle, je me suis même persuadée que ce texte serait le dernier. On constatera qu’il reflète bien des hésitations, bien des atermoiements quant à la création littéraire. Rien d’étonnant, commenteront certains :une piété excessive ne détruit-elle pas fréquemment ce qui tient de la libido, des activitésartistiques, entre autres ? Certains chrétiens, en effet, se méfient du narcissime supposé des artistes1.
Dans mon enfance, je dois l’admettre, le goût de l’écriture me semblait relever d’une excentricité impardonnable. Et dès que j’exprimais, dans une histoire, quelques émotions un peu fortes, je pensais risquer la folie. J’ai donc intériorisé de fausses croyances éminemment castratrices.
Sans doute décèlera-t-on justement, dans les lignes qui suivent, une tendance à se torturer, des scrupules exagérés. Pour beaucoup, le christianisme n’est-il pas lié à l’exaltation de la souffrance ?
Citons ces pensées attribuées par un romancier contemporain à l’un de ses personnages :
« Il s’est toujours méfié de la sanctification des victimes chère à cette religion, et de sa conception de la gloire trouvée dans le consentement à être une victime. »2
S’il nes’agit pas, évidemment, d’une opinion de l’auteur, beaucoup de commentaires sur le christianisme véhiculent ce genre d’idées (fréquemment suscitées, admettons-le, par des enseignements erronés divulgués par ses défenseurs). Cette religion serait destinée aux faibles.
D’autres, plutôt parmi les croyants, s’étonneront peut-être de l’importance que j’ai pu accorder à des émotions négatives : complaisance indigne, jugeront-ils, d’une chrétienne vraiment « guérie ».
Pourtant, c’est bien un processus de libération que je veux relater. Si d’aucuns trouvaient mon parcours bien trop long pour l’estimer probant, le résultat s’impose : l’irruption de la joie.
1 Pourtant, ce n’est qu’au dix-neuvième siècle que s’imposa le mythe de l’auteur individualiste et solitaire.
2Christophe Ono-dit-Biot, Trouver refuge, 2022, Paris, Gallimard, p. 100