Extrait du roman inédit : Les trois étés du manoir

Chapitre 1

Premier juillet 1952

Concentrée sur la route, Solange marchait à pas réguliers. Émergeant d’un fossé, à droite, des graminées d’or frôlaient le bitume.La brise d’été transmettait des échos de cascades.

Dans la senteur mielleuse des reines-des-prés, la fugitive se calma peu à peu. Légers comme les bouffées de parfums, des souvenirs heureux flottaient dans sa mémoire :bien des années plus tôt, elle avait cheminé, avec sa classe, dans une vallée semblable. Replonger maintenant dans ces années tranquilles ? Elle se l’interdit : toute rêverie l’aurait ralentie, elle devait semer à tout prix d’éventuels poursuivants.

Elle leva les yeux vers les montagnes. Leurs pics se mêlaient aux nuages. Pour un peu, se dit-elle, le simple fait de les regarder la hisserait jusqu’au domaine des neiges ! Leur pureté la captivait, elle aurait voulu voler vers les glaces, mais cetélan ne suffit pas à soulager ses membres. La fatigue s’installait, et ses jambes pesaient…

Atteindre le fond du val. S’y dissimuler pour la nuit, dans quelque grange, et repartir à l’aube. Franchir enfin le col.

Jusque-là, elle avait pu compter sur un certain nombre d’automobilistes bienveillant .Ils l’avaient toujours conduite vers des carrefours stratégiques, mais dans cette zone si peu habitée, les voitures se raréfiaient. Elle risquait, d’ailleurs, d’éveiller des soupçons. Pour changer de vallée dans la matinée, elle avait pu adopter sans problème le rôle d’une étudiante désargentée, soucieuse de rejoindre sa famille en vacances. À présent, la situation s’annonçait plus délicate :seuls des touristes et des paysans marchaient aux alentours, et son tout petit sac à dos n’évoquait guère l’équipement habituel des randonneurs ; on pouvait la remarquer, s’interroger sur les raisons de sa présence. Heureusement, les parages se révélaient particulièrement déserts ce jour-là…

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