Deux de mes articles dans le n°92 de la revue « Poésie Première »

Jacques Clauzel, Si tu aimes ce qui brandille, éditions FDDJC, 2025, 146 p., 12 euros

Dès les premières pages de ce recueil, les thèmes de l’absence et de la présence s’opposent et s’interpénètrent : « Cet arbre mort / parmi les feuilles qui l’entourent // c’est lui qu’on admire » ; « Pluie drue / sur la montagne // l’estompe efface les arbres ». Dans cet univers flou, comme en-dormi, l’âme aspire quelquefois à des événements ( « Tu souhaites entendre la pluie […] enfin tu te sentirais libre »). À noter : le livre est illustré par des reproductions des gravures de l’auteur. Sans cesse, des formes estompées s’y opposent à la précision des traits. D’ailleurs, graver, n’est-ce pas justement créer du vide pour en faire au plein (ou l’inverse) ?

Mais très rapidement, l’ombre de la mort se met à rôder : « Un jour enfin / épuisé / tu mourras d’avoir cru /qu’un chemin pouvait mener au ciel ». Le temps sévit très durement. Heureusement, « Tu ne peux oublier / ces goûts ces odeurs » . L’arbre, la mer, la pluie, les oiseaux, les insectes et les étoiles, tout paraît revêtu d’une force cosmique (« des pierres cisaillent le ciel d’août / message cosmique / ou poussière d’une début d’univers ? »). Si le monde moderne peut effrayer (« la garrigue brûle / où se consument tes souvenirs »), la sérénité finit par dominer : « L’avenir appartient / à ceux-là seuls qui vont mourir ». ; « la pierre sera posée / qui recouvrira ton corps d’ombre / laissant au jour / ta peur de mourir ». La musique représente également une possibilité de consolation (« La musique habite enfin / l’insaisissable ») et si, malheureusement, « nous avons oublié les savoirs ancestraux […] « nous ne voyons plus la beauté », « tu attends //comme enfant tu attendais / Cette Vérité / que Jean de la Fontaine disait / sortir du puits ».

327 mots MLJ

Les Haleurs n° 2, Les Haleurs Éditions, mars 2025, 119 p., 14 euros

(www.leshaleurs.fr)

Fondée par David Dielen, Les Haleurs est une toute nouvelle revue d’éco-poésie. Si le premier numéro, paru à l’automne 2024, portait sur le thème de l’eau, ce nouvel ouvrage prend le « partipris » (pour reprendre l’expression de Francis Ponge) de la pierre, puisqu’il s’intitule Pierre et poésie. Si ce numéro commence par un  » Manifeste de l’éco-poésie continuation I  » ( » continuation I  » car un tel manifeste précédait déjà les poèmes du premier numéro) rédigé par David Dielen, ce dernier prend soin de préciser que « l’éco-poésie ne relève ni de ce qu’on appelait autrefois une école, ni d’un genre, encore mois d’un label”, mais plutôt d’une perspective […] une ouverture vers un avenir désirable et habitable ». Après un texte de Marielle Macé qui assure la transition entre le thème de l’eau et celui de la pierre (puisqu’il s’agit de la Loire et des sédiments qu’elle transporte), vingt poèmes (représentant vingt auteurs), inédits pour la plupart, constituent le  » Corpus « , et l’on ne peut qu’être frappé par leur variété. Si certains font uniquement parler la pierre (avec de nombreuses références à des réalités d’ordre scientifique), d’autres incluent la présence d’un je humain. Certains relèvent d’une contemplation statique, d’autres d’une déambulation attentive. Même diversité pour ce qui est des formes adoptées : vers, prose, mélange des deux, formes éclatées. Ensuite, David Dielen présente un  » Carnet de marche  » consacré à l’exploration de fossiles dans le cœur d’une ville. La rubrique  » Du côté des classiques  » propose deux textes (étonnants) de Victor Hugo et de Victor Segalen. Suit un entretien avec Fabienne Raphoz, anciennement éditrice chez Corti, auteure publiée aux éditions Corti et Héros-Limite, qui analyse entre autres les rapports entre science et poésie. Enfin, un très beau texte en prose de Pierre Bergougnioux évoque l’influence des environnements géologiques sur nos affects les plus profonds. Souhaitons longue et belle vie à ces « Haleurs » !

334 mots MLJ

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