J’étais malade, et je le suis encore, sans doute, à présent que j’écris. Au début de l’histoire, grâce au climat du bord de mer, on pensait me guérir… Je doutais de cette possibilité : le domaine d’Alern, racontait-on, avait perdu de son éclat, et certains de ses habitants présentaient même des troubles assez comparables aux miens.
Mon séjour a-t-il permis d’éviter le pire ? En tout cas, dans la voiture que conduisaient mes frères, je me sentais bien perturbée, et supposais qu’ils s’inquiétaient pour moi.
L’arrivée au château nous soulagea tous trois.
Dès que le véhicule s’arrêta sur le parking, je courus vers les flots : du haut d’un tertre surmonté d’un kiosque, on pouvait contempler tout l’océan. Avec une certaine angoisse, je progressai vers le bord déchiré du gouffre : striée de ravines caillouteuses, hérissée de clochetons, la falaise croulait vers les vagues. Les cris des goélands se mêlaient au vacarme des eaux. Au sud, sur une petite avancée, les flammes noires de tours brisées se découpaient sur le soleil couchant.
Mes frères (Franck et Renaud) me rejoignirent, et me prirent par le bras :
« Viens maintenant, Lilo, ce ne serait pas très correct de s’attarder ici.
— Je vous inquiète… Allez, un peu de courage, vous serez bientôt débarrassés de moi !
— Pas de bêtises, dit Franck. Nous sommes contents de te savoir entre de bonnes mains.
— Et soulagés, s’empressa d’avouer Renaud, d’être arrivés au terme du trajet : sur ces routes de montagne, les derniers kilomètres ont été difficiles. »
Sur le perron, tante Nella m’attendait avec ses enfants, ainsi qu’un monsieur inconnu, probablement son gendre, l’époux de ma cousine Rita. Comme sa fille, elle portait une longue robe claire, que le vent plaquait surs ses jambes. Les garçons, quant à eux, se présentaient tous en jogging (à l’exception du mari de Rita, qui frappait par son élégance, son teint et ses cheveux très bruns) ; j’imaginai les femmes qui les houspillaient, les exhortaient à se vêtir avec plus de soin…
« Lilo chérie, s’écria Nella, en m’embrassant sur les deux joues, ça fait si longtemps ! Les enfants ont beaucoup changé, n’est-ce pas ? »
Je reculai pour les considérer : ils se tenaient tous trois l’un à côté de l’autre, un peu empruntés, comme si l’on s’apprêtait à les photographier. Rita serrait nerveusement la main de son mari, et comme personne ne se décidait à prendre la parole, ma tante poursuivit :
« Son conjoint, c’est Victor, et les garçons. Oh non, ne me dis pas que tu ne souviens pas d’eux… Allez les gars, un petit un effort, et dépêchez-vous de parler !
— René, s’écria le plus grand, qui arborait les cheveux les plus clairs, aux mèches ondulées, illuminées d’éclats dorés.
— Arnaud, ajouta l’autre, plus râblé, qui lui ressemblait cependant.
— Franck et Renaud, je suppose, dit-elle, en s’avançant vers mes deux frères, mais on ne va pas rester là, il ne fait pas très chaud. Heureusement, il ne pleut pas et nous avons pu profiter, ces derniers jours, de très belles éclaircies…. Je vous conduis aux chambres. Vous êtes pressés de les voir, sans doute, surtout Franck et Renaud. Vous repartez demain matin, c’est ça ? »
Ils acquiescèrent.